Candidose intestinale (SIFO) : symptômes, traitements, que manger

Quand on parle de la candidose, cela peut-être un peu confus, puisqu’il y a d’un côté la candidose bien établie médicalement, c’est-à-dire la candidose oro-pharyngée et de l’autre côté, le terme « candidose intestinale » qui est très utilisé dans la sphère de la santé naturelle pour désigner une prolifération de champignons dans les intestins. La candidose intestinale existe bel et bien, mais comme nous allons le voir, elle ne vous concerne peut-être pas vraiment si vous avez des troubles digestifs fonctionnels.

Mais alors, comment en est-on venu à parler autant de candidose intestinale ? Faisons un peu le récapitulatif historique et le constat des connaissances actuelles.

Bernard Rudolph En novembre 1839, un jeune professeur d’université, Bernhard Von Langenbeck, a publié la première description d’un champignon à l’origine d’une candidose oro-pharyngée et œsophagienne. Ce type de candidose est donc localisé au niveau ORL : infection parfois aussi appelée « muguet ». Cette candidose buccale très connue peut survenir à la suite d’une prise prolongée d’antibiotiques, par exemple.

En 1976, quelques études de cas [1] sèment le doute concernant l’origine des troubles digestifs fonctionnels. Les auteurs remarquent qu’un traitement à base d’antifongiques permet d’améliorer les douleurs digestives et les diarrhées chez des personnes souffrant de troubles digestifs. Cependant, il est à noter que dans le monde scientifique, ce genre d’études n’a pas beaucoup de poids et ne devrait pas servir de base de référence. Ces études ont néanmoins une certaine pertinence car elles encouragent à poursuivre les recherches concernant les proliférations fongiques, en particulier chez les personnes qui souffrent du syndrome de l’intestin irritable (ce qui a été fait par la suite).

Cela a suffi pour allumer la flamme de l’espoir chez les personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable et ce phénomène fut renforcé lorsque des médecins publièrent des livres sur le lien entre troubles digestifs et prolifération de candida dans les intestins.

Candidose : qu’est-ce que c’est ? 

Comme dit précédemment, la candidose est caractérisée par une présence excessive d’espèces fongiques dans le tube digestif, en l’occurrence ici, on parle avant tout de l’espèce nommée Candida albicans. Les espèces fongiques prolifèrent rarement chez les personnes en bonne santé. En effet, pour qu’il y ait colonisation fongique, il faut qu’un ou plusieurs des mécanismes de protection du microbiote intestinal soient gravement affectés : c’est le cas, par exemple, de l’immunité des personnes infectées par le VIH.

Après la publication des études de cas, il a été légitime de penser que les personnes qui souffraient de troubles digestifs fonctionnels, notamment du syndrome de l’intestin irritable, souffraient peut-être en réalité de prolifération de Candida albicans dans l’intestin. Le débat existe encore, mais à ce jour il n’y a pas de lien fortement avéré entre les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable et la prolifération de Candida albicans dans les intestins[2], même si quelques études récentes montrent un déséquilibre de la flore fongique chez les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable[3]. Ces informations pourraient évoluer avec le temps et à mesure que la science avance. Aux États-Unis, on ne parle pas vraiment de candidose, mais plutôt de SIFO. Le SIFO, c’est exactement comme le SIBO, seulement, ce ne sont pas des bactéries qui colonisent l’intestin grêle mais des espèces fongiques (d’où le F à la place du B).

Pourquoi parle-t-on de SIFO plutôt que de candidose ?

La candidose laisse supposer que seule l’espèce Candida pourrait être responsable de problèmes de santé, or, même si cette espèce est la plus importante parmi les espèces fongiques, elle n’est pas la seule. De plus, le terme candidose ne permet pas vraiment de distinguer si cette prolifération se trouve dans le côlon ou l’intestin grêle. Le SIFO, quant à lui, met en lumière la prolifération fongique se trouvant uniquement dans l’intestin grêle.

Le SIFO à l’épreuve des faits

Il y a 40 ans, des chercheurs ont identifié 86 espèces fongiques chez 27 adultes en bonne santé (23 espèces dans la zone oro-pharyngée, 26 espèces dans le jéjunum, 20 dans l’iléon, et 17 dans le côlon)[4]. Parmi toutes ces espèces, c’est bien l’espèce Candida albicans qui était la plus fréquente. Cependant il est important de rappeler qu’il est normal d’avoir des espèces fongiques dans le tube digestif, comme il est normal d’avoir des bactéries. Le problème apparaît lorsqu’il y a une prolifération de ces espèces. Une colonisation fongique importante dans l’intestin se développe très rarement chez une personne en bonne santé, de telles proliférations ont lieu majoritairement chez les personnes qui souffrent d’immunodéficience ou qui prennent des agents chimiothérapeutiques. L’antibiothérapie par voie parentérale semble être aussi liée à la colonisation d’espèces fongiques dans l’intestin grêle[5], [6], [7]. 

Le SIFO, comme le SIBO, pourrait donc apparaître si les protections du système digestif sont gravement atteintes, surtout la protection immunitaire. Une fonction immunitaire intestinale optimale est essentielle pour prévenir la prolifération fongique[8]. L’acidité gastrique semble être protectrice contre la prolifération fongique et les enzymes pancréatiques ont des propriétés fongistatiques.

Une étude plus récente [11] a permis d’y voir plus clair dans la guerre intestinale entre le SIBO et le SIFO. Premièrement, les personnes qui souffrent de SIFO auraient, la majorité du temps, un SIBO en complément. De plus, la prise d’antiacides (oméprazole) et l’altération de la motilité intestinale seraient deux facteurs importants de l’émergence du SIBO + SIFO. Ce n’est pas une nouveauté que je vous apprends concernant le SIBO puisque, comme nous l’avons vu, l’altération de la motilité est l’une des premières causes du SIBO. Il n’est donc pas étonnant que d’autres proliférations puissent profiter de ce manque de motilité de l’intestin, notamment les espèces fongiques (SIFO).

À la différence du SIBO, où l’on remarque un lien de plus en plus clair avec le syndrome de l’intestin irritable, il est difficile de juger du degré d’implication des champignons dans ce syndrome car on ne sait pas encore ce qui est « trop » et ce qui est « normal » dans le tube digestif concernant les espèces fongiques[8]. En effet, une étude[9] publiée en 2014 a démontré que les personnes atteintes de SIFO présentaient les mêmes symptômes que les personnes qui n’avaient pas de SIFO. 

Une chose importante qui se distingue du SIBO, c’est que la prise de probiotiques, notamment de lactobacillus semblerait inhiber certaines espèces fongiques, ce qui serait un atout intéressant en cas de SIFO.

Comment ces probiotiques peuvent inhiber les espèces fongiques ? L’explication est assez simple, les lactobacillus produisent du peroxyde d’hydrogène en petite quantité et les champignons détestent ça[10].

SIBO : le dossier complet

Les symptômes de la candidose (SIFO)

Ce n’est, à ce jour, pas très bien décrit. Une seule étude[11] a permis de mettre en lumière certains symptômes notamment :

  • Douleurs abdominales chroniques ;
  • Nausées ;
  • Ballonnements ;
  • Gaz ;
  • Diarrhées ;
  • Indigestion.

À première vue, on pourrait facilement penser : « Effectivement, c’est sûrement ce qui est à l’origine de mes symptômes digestifs. » Seulement lorsque l’on regarde l’étude on peut voir qu’en réalité, les personnes souffraient aussi et surtout de SIBO (74 %).

SIFO et SIBO

Selon certains chercheurs, le SIFO pourrait même être secondaire à la prolifération bactérienne, c’est-à-dire au SIBO. Si l’on veut une tournure un peu imagée, c’est un peu comme si le SIBO détruisait tout dans une ville, et que les espèces fongiques (SIFO) débarquaient pour profiter du désordre causé par le SIBO.

Candidose diagnostique (SIFO)

Tout comme pour le SIBO, le diagnostic ne devrait pas être basé uniquement sur les symptômes. En effet, nombreuses sont les pathologies qui partagent les mêmes symptômes digestifs. À ce jour, les techniques de diagnostic sont débattues, mais la meilleure façon de faire serait l’aspiration du liquide de l’intestin grêle par endoscope, identique à celle du SIBO.

Cette technique comporte cependant un problème concernant le SIFO, puisque les normes permettant son diagnostic ne sont pas claires[8]. Certains chercheurs pensent que la limite devrait être la même que celle qui permet le diagnostic du SIBO (10CFU/ml), mais cela reste incertain et demande encore des recherches approfondies.

Test MOU : techniques de diagnostic visant à doser les métabolites organiques urinaires

Dans les milieux de la santé naturelle, beaucoup de praticiens utilisent le dosage des métabolites organiques urinaires pour détecter la présence de proliférations fongiques. Pour faire simple, on suppose que si vous avez une prolifération fongique dans l’intestin, on devrait pouvoir retrouver les molécules sécrétées par ces champignons dans vos urines. En fonction d’un certain seuil, on pourrait avoir une idée de la quantité de champignons se trouvant dans vos intestins. 

Cependant, cette technique ne peut pas diagnostiquer de façon officielle le SIFO, elle donne une idée (non médicalement reconnue), plus ou moins fiable 

Candidose régime alimentaire 

Si l’on passe le « régime anti candida » à la loupe, on s’aperçoit que c’est un régime visant à exclure une grosse partie des glucides (sucres) de votre alimentation, comme le principe du régime sans Fodmaps ou d’autres régimes. Alors, effectivement, nous pouvons avoir des bénéfices, car si vous privez les microbes de glucides, ils n’auront plus rien à fermenter, ainsi, le ventre ne sera plus gonflé.

L’effet positif de ce genre de régime conduit souvent à penser qu’il s’agit donc bel et bien d’une candidose, on se dit : « Ah oui ! mon naturopathe m’a dit que je souffrais de candidose, et c’est vrai puisque lorsque je fais le régime anticandida, ça marche, j’ai moins de ballonnements. » Le fait est que vous auriez probablement les mêmes bénéfices si vous suiviez un régime sans Fodmaps, par exemple, car l’amélioration réside dans la restriction des glucides : point commun qu’ont tous ces régimes.

Ce que je veux dire par là, c’est que ce n’est pas parce qu’un régime s’appelle anticandidose, qu’il soigne une candidose quand il est efficace. Il est possible, par exemple, que l’origine de vos troubles digestifs soit un SIBO ou un IMO. Si l’on prive de glucides ces bactéries et ces méthanogènes, les effets positifs seront similaires :

  • réduction des ballonnements,
  • amélioration du transit,
  • diminution des douleurs.

De plus, tous ces régimes ne peuvent pas être suivis sur le long terme, au risque d’une détérioration du microbiote, une monotonie alimentaire pouvant entraîner un isolement social, des carences alimentaires ou parfois même une déprime.

Je vais expliquer le risque et les conséquences d’un régime « anticandidose » avec l’exemple de Xavier.

Xavier pense souffrir de candidose intestinale, enfin c’est ce que lui avait dit son micronutritionniste. Il avait par le passé consulté plusieurs médecins qui lui ont diagnostiqué un syndrome de l’intestin irritable, mais mécontent de l’approche médicamenteuse de la médecine, il préféra se tourner vers la « médecine naturelle ».

Les thérapeutes en santé naturelle qu’il a consultés par la suite en sont rapidement venus à lui parler de candidose intestinale. De ce fait, il lui a été proposé un régime « anticandidose », tout en lui expliquant que c’était le sucre qui nourrissait le Candida et que, par conséquent, il fallait arrêter de le nourrir pour calmer les troubles digestifs. Xavier s’exécute, il met en place le régime anticandidose.

Les effets sont intéressants puisqu’il souffre moins au niveau digestif, même s’il considère que la diète est vraiment restrictive. L’effet est normal, comme nous l’avons évoqué, si vous coupez la nourriture préférée de vos microbes, alors ces derniers ne produiront plus de gaz. Cependant, l’information à noter, c’est que l’idée de priver de nourriture les bestioles qu’il y a dans vos intestins est intéressante, mais il ne faut pas oublier que votre corps aussi a besoin de se nourrir. Cela peut paraître bête, mais lorsque l’on souffre et que l’on souhaite à tout prix aller mieux, on peut se lancer dans des régimes restrictifs sur une longue durée, avec des conséquences qui peuvent être parfois plus graves que le problème initial. Malheureusement, j’en ai également fait les frais personnellement par le passé…

Quelques mois plus tard, Xavier a perdu 10 kg. Il mesure 1,77 mètre pour 54 kg, ce qui est trop peu pour une personne de son âge et de sa taille. Son problème de base semble être « maîtrisé » à partir du moment où il ne mange quasiment rien. Xavier se plaint de fatigue importante, déprime, envie de rien, isolement social, tristesse, ce qui pourrait bien être la conséquence d’un régime restrictif comme celui qu’il a suivi.

Si votre corps ne possède plus les nutriments nécessaires à son fonctionnement, alors il ne pourra plus produire suffisamment d’énergie pour assurer vos besoins quotidiens, tout votre organisme sera ralenti, ce qui peut expliquer la fatigue. De plus, la déprime, la tristesse et l’isolement social sont les conséquences, chez lui, de la restriction alimentaire. Une alimentation qu’il n’a plus envie de consommer car insipide, monotone, et difficilement accessible en société.

Même si la restriction des glucides peut temporairement avoir des bénéfices, ces régimes ne devraient pas être suivis sur le long terme au risque d’effets indésirables importants.

À la question qui m’est posée : « Les régimes anticandidose sont-ils efficaces ? », je répondrais donc simplement : oui, car ils privent de nourriture les microbes se trouvant dans vos intestins, mais attention dans la mise en place de régimes restrictifs, qu’ils soient « anticandidose » ou autres. Cela devrait être au minimum accompagné par un.e diététicien.ne.

Conclusion

À ce jour, l’implication de la flore fongique dans les troubles digestifs fonctionnels (intestins irritables) reste peu claire. On ne peut pas affirmer qu’il existe un lien clair entre troubles digestifs fonctionnels et candidose ou SIFO, mais on ne peut pas dire non plus qu’il n’y a aucun lien. Nier catégoriquement l’existence du SIFO ne permet pas de faire avancer le débat et la recherche.

Les techniques de diagnostic du SIFO sont encore floues et peu précises au moment où j’écris ce livre. Cependant, de nouveaux outils de diagnostic du microbiote intestinal devraient voir le jour prochainement[12], ce qui permettra d’en savoir plus quant au microbiote de l’intestin grêle, qu’il soit bactérien ou fongique.

Enfin, l’implication du SIBO dans l’émergence du SIFO pourrait être un facteur important. Ainsi, se concentrer premièrement sur le SIBO reste une bonne stratégie, à mon sens, tout en gardant la piste du SIFO dans un coin de la tête.

Références scientifiques

  1. Kane JG, Chretien JH, Garagusi VF. Diarrhoea caused by Candida. Lancet. 1976 Feb 14;1(7955):335-36. doi : 10.1016/s0140-6736(76)90087-8. PMID : 54741.
  2. Middleton, S.J., A. Coley, and J.O. Hunter, The role of faecal Candida albicansin the pathogenesis of food-intolerant irritable bowel syndrome. Postgrad Med J, 1992. 68(800): p. 453-4.
  3. Botschuijver S., Roeselers G., Levin E., Jonkers D. M., Welting O., SEM H., et al.. (2017). Intestinal fungal dysbiosis is associated with visceral hypersensitivity in patients with irritable bowel syndrome and rats. Gastroenterology 153, 1026–1039. 10.1053/j.gastro.2017.06.004
  4. Stone HH, Geheber CE, Kolb LD, Kitchens WR. Alimentary tract colonization by Candida albicans. J Surg Res. 1973 Apr;14(4):273-6. doi : 10.1016/0022-4804(73)90028-0. PMID : 4573857.
  5. Seelig MS. The role of antibiotics in the pathogenesis of Candidainfections. Am J Med. 1966 Jun;40(6):887-917. doi : 10.1016/0002-9343(66)90204-x. PMID : 5327890.
  6. Seelig MS. Mechanisms by which antibiotics increase the incidence and severity of candidiasis and alter the immunological defenses. Bacteriol Rev. 1966 Jun;30(2):442-59. doi : 10.1128/br.30.2.442-459.1966. PMID : 5327460; PMCID: PMC441005.
  7. Gupta TP, Ehrinpreis MN. Candida-associated diarrhea in hospitalized patients. 1990 Mar;98(3):780-5. doi : 10.1016/0016-5085(90)90303-i. PMID : 2298377.
  8. Erdogan A, Rao SS. Small intestinal fungal overgrowth. Curr Gastroenterol Rep. 2015 Apr;17(4):16. doi : 10.1007/s11894-015-0436-2. PMID : 25786900.
  9. Erdogan A, Lee Y, Sifuentes H, Rao SS. Small intestinal fungal overgrowth (SIFO) : a cause of gastrointestinal symptoms. Gastroenterology. 2014;146(5):S-358
  10. Fitzsimmons N, Berry DR. Inhibition of Candida albicansby Lactobacillus acidophilus : evidence for the involvement of a peroxidase system. Microbios. 1994;80(323):125-33. PMID : 7898374.
  11. Jacobs C, Coss Adame E, Attaluri A, Valestin J, Rao SS. Dysmotility and proton pump inhibitor use are independent risk factors for small intestinal bacterial and/or fungal overgrowth. Aliment Pharmacol Ther. 2013 Jun;37(11):1103-11. doi : 10.1111/apt.12304. Epub 2013 Apr 10. PMID : 23574267; PMCID : PMC3764612.
  12. Zoll J, Snelders E, Verweij PE, Melchers WJ. Next-Generation Sequencing in the Mycology Lab. Curr Fungal Infect Rep. 2016;10:37-42. doi : 10.1007/s12281-016-0253-6. Epub 2016 Mar 16. PMID : 27358660; PMCID : PMC4896977.
avatar-testimonial-courses

Joris Vanlerberghe
Naturopathe Spécialisé en digestion et microbiote

Par où Commencer ?

Téléchargez votre guide gratuit pour savoir par où commencer

guide ventre gonflé